Mourir avant de n'être {la naissance de Céleste}
Quand tu es enceinte , t'as toujours quelqu un autour de toi pour te raconter un truc bien glauque sur son accouchement, genre comme un rite initiatique, je crois que je vais être dans le top five de mes copines !
J'avais pourtant atteint un niveau sympa avec BB2- le Schtroumpf grognon - qui s'est fait un ptit jeu du foulard in utero avec son cordon et est né aussi bleu qu'un Schtroumpf, et sans pousser le moindre cri. Pas encore à l'école qu'il est entré direct dans la vie avec une note de merde (maintenant on en rigole). Il a un peu foiré son Apgar mais finalement il n'a pas redoublé. Il a crié et débleuï.
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Là, nous n'avons pas eu cette chance, Céleste était mort avant de naître; dans la même phrase il y a mourir et naître, ça ne devrait pas pouvoir être possible, il y a un truc qui cloche. Zéro de moyenne, sauf que l'Apgar ne se repêche pas. Pas de 2ème chance.
Aujourd'hui le billet est un peu plus factuel que d'habitude parce qu'il le fallait.
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Au début on compte en jours. Ensuite en semaines. Et puis vient le cap du mois. Un peu comme les coups de foudre.
C’est donc pareil pour les coups du sort.
Nous sommes le 6 mai 2014. Céleste est né sans vivre il y a pile un mois.
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Dimanche 6 avril je suis amenée des 8h30 en salle de naissance. Voilà, on y est , ce n'est pas un cauchemar, c'est juste vrai et réel.
La péridurale n'est posée qu'à midi car on doit me refaire je ne sais quel examen supplémentaire; de 8h30 à 12h, je ne sais pas bien ce que nous avons fait , le temps de l'hôpital n'est pas le temps de la vie, tout est extrêmement long.
A 12h l'anesthésiste arrive et pose la péridurale . C'est un moment très douloureux psychologiquement pour moi car j'ai une peur phobique des piqures et autant je peux la surmonter quand je vais donner la vie, autant là c'est ingérable pour moi. Ma 4ème péridurale ptain! En plus j'ai un souvenir abominable de la péri de #BB3-le- Pisseur-en-Chef, l'anesthésie locale n'avait pas marché avant la pose, (primipares ne lisez pas: et ce connard d'anesthésiste m'avait fait une fermeture-éclair dans le dos à force de me piquer)
Là, l'anesthésie locale fait effet et après je n'ai plus aucune douleur pendant le reste de la pose.
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On me donne ensuite à nouveau 2 comprimés pour déclencher les contractions et on m'enlève enfin les laminaires, des espèces de bâtonnets posés sur le col pour l'aider à s'ouvrir. Le docteur vérifie le col: totalement fermé ce qui me désespère car maintenant je voudrais juste qu on en finisse. Je ne sais pas ce que je fous là.
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Vers 15h j'appelle le docteur et la sage-femme car je viens d'avoir 4 grosses contractions espacées de 4 mn; le temps que la Gynéco m'examine, 2 contractions de plus. Je les sens du cote gauche car la peri s'est latéralisée et mon côté gauche est moins endormi que le droit.
Elle me regarde un peu surprise: c'est l'heure, le col est ouvert, la poche des eaux bombée.
J'éclate en sanglots parce que je sais que le moment tant redouté est arrivé.
En 2 poussées le bébé est dehors, il sort dans sa poche sans qu'elle soit percée, ça me fait une drôle de sensation, je trouve ça moins violent qu'il soit venu au monde avec la poche;
Le 6 avril à 15h30, Céleste est né en silence et sans difficulté.
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A l'écho on soupçonnait une malformation et un œdème, mais en vrai, un tout petit bébé sans aucun problème apparent.
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L'accouchement se complique, le placenta, lui, ne veut vraiment pas venir et je commence à perdre du sang en quantité goresque.
La salle commence à se remplir de pleins de gens, tout d'abord le chef de garde Gyneco, qui essaie avec l'autre docteur de faire sortir le placenta mais comme je sens tout du côté gauche, j ai super mal et au bout d'un temps qui m'a paru infini, je leur demande d'arrêter et de me faire une anesthésie générale. J'en ai marre, qu'on me laisse en paix.
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(au lieu de la blouse moche, j'ai eu droit à la blouse de bloc opératoire qui gratte, c'teuh chance...)
L'anesthésiste est bippé en urgence, il augmente la dose de péri mais c'est inutile, elle est complètement latéralisée; il faut faire vite car je saigne et le col se referme.
Je suis épuisée, je voudrais vraiment que tous ces gens me laissent tranquille et s'en aillent .
J'ai droit à un masque avec je ne sais quel produit, d'un coup je repousse la main de l'anesthésiste qui est posée sur le masque car je me sens partir, ce qui n'est pas le but recherché (ptain les anesthésistes, ils en ont de bons trucs en stock quand même !)
Un second anesthésiste arrive, ça commence à faire boat-People leur truc.
Monsieur-40-ans me donne la main, il se sent impuissant mais je vois bien qu'il est inquiet car cette fois ci le temps file...
Le 2ème anesthésiste sort une grosse seringue avec un produit blanc et s'approche de ma perf au bras, je suis à moitié dans les vappes mais je comprends tout de suite: du Propofol. (c'est nul mais depuis l'histoire de Michaël Jackson je sais ce que c'est)
Youpiii , je vais me faire un ptit trip avec Morphée, bye-bye placenta, ouf, c'est fini.
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Je remonte en chambre 2h après , j ai droit à un super plateau repas degueu mais ça fait 24h que je n ai rien mangé. Enfin si, j'ai mangé en cachette des fraises Tagada en salle de naissance, c'est encore meilleur avec le goût de l'interdit ! (quitte à dégueuler après, autant que ça ait une odeur sympa...#pardon )
J'ai mal de partout, à la tête, au dos, comme après un accouchement quoi et j'ai vraiment le cœur en bouillie.
Je fais 2 malaises en essayant de me lever (Monsieur-40-and me rattrape au vol in extremis la 1ère fois), je pense que ce sont les médicaments anti-allaitement, du coup je suis consignée au lit 12h de plus.
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(ça c'est le repas du condamné, la veille. Lol, heureusement que j'ai précisé que j'étais intolérante au lactose... au moins 6 produits laitiers sur le plateau... C'était tellement immonde qu'il fallait que je le prenne en photo. Si on sert ce genre d'épinards et quenelles aux gosses à la cantine, tu m'étonnes qu'ils détestent après! Je n'ose pas imaginer les gens qui restent hospitalisés longtemps, on est à la limite de la maltraitance bouffesque là. Et je vous ai épargné la cuisse de poulet du lendemain... fin de la parenthèse)
Le matin j'ai 3 appels en absence avant 7h de ma fille, -BB1 alias l'Adoleschiante- elle souffre de douleurs thoraciques, Monsieur-40-ans part en urgence la récupérer, j'ai besoin de la sentir en sécurité, ça va là, j'ai donné pour les prochaines 48h mini.
Il est repassé me prendre après et nous sommes rentrés comme des cons, les bras vides et le coeur écrabouillé. J'ai tout ramené à la maison, les douleurs au dos, les joies post-accouchement, le corps gondolé. Tout sauf le bébé.
Envoyé de mon iPhone
"Mourir avant de n'être?" est, me semble t-il, une expression du Pr René Frydman, chef du service de gynéco-obstétrique à l'hôpital Béclère de Clamart